Lumières sur les Cordées de la réussite : l'interview de Camille Rossi et Fabien Bressan

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Cette année, la semaine des Cordées de la réussite se déroule du 3 au 8 février 2025. À cette occasion, l’ANCT vous propose de découvrir et redécouvrir ce dispositif qu’elle copilote et qui entend favoriser l’égalité des chances.

Destinées aux jeunes des quartiers prioritaires, les Cordées de la réussite ont pour objectif de lutter contre l'autocensure et de susciter l'ambition scolaire des élèves par un continuum d'accompagnement de la classe de 4e au lycée et jusqu'à l'enseignement supérieur.

L’ANCT a rencontré Camille Rossi, chargée de mission politique de la ville au sein de la DREETS Auvergne Rhône-Alpes, et Fabien Bressan, directeur de Labo-cités – Centre de ressource de politique de la ville Auvergne-Rhône-Alpes.
Tous deux reviennent dans cet entretien sur la philosophie des Cordées de la réussite, ses réalités en Auvergne-Rhône Alpes et le travail mené par les acteurs locaux, au service des plus jeunes.

ANCT : Pourquoi les Cordées de la réussite ont-elles été créées ? À quels défis répondent-elles ?

Fabien BRESSAN :  Les Cordées de la réussite sont issues du plan Espoir Banlieues de 2008 qui entendait améliorer la situation des quartiers populaires en France. Elles émanaient d’un constat : dans les études supérieures, la reproduction sociale est fortement présente et les jeunes issus des quartiers prioritaires sont largement sous-représentés. La raison : des inégalités sociales marquées dès le départ et qui vont avoir un impact sur tout le parcours scolaire et professionnel du jeune. Les Cordées de la réussite entendent accentuer les moyens pour permettre à ce public de réussir dans le Supérieur, et de basculer ainsi de l’égalité des chances à l’équité.
Les Cordées de la réussite ont déjà 17 ans et peu de dispositifs de la politique de la ville ont une telle longévité. On en compte aujourd’hui près de 900 en France.
Pourtant, nous nous sommes rendus compte que le dispositif était, au final, peu connu des acteurs de la politique de la ville, qu’ils soient locaux, métropolitains ou régionaux. C’est pour cela que nous avons rédigé une étude analytique commandée par la DREETS-AURA afin de sonder le paysage et les enjeux des Cordées en Auvergne-Rhône-Alpes. En espérant que cela permettra de mieux connaître le dispositif et de l’améliorer pour l’avenir.

Camille ROSSI : Dispositif interministériel porté par le Ministère de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur et l’Agence nationale de la cohésion des territoires, les Cordées de la réussite touchent les élèves résidant en quartier prioritaire politique de la ville ou des collèges et lycées situés en zone prioritaire, en zone rurale et des lycées professionnels.
Elles permettent aux collégiens et lycéens de découvrir les études supérieures, de construire leur avenir professionnel et d’ouvrir leur champ des possibles grâce à un accompagnement continu. Pour ce faire, un partenariat est mis en place entre un établissement d’enseignement supérieur dit « tête de Cordée » et des collèges et lycées dits « encordés ».

Quelles actions mettent-elles en place au niveau national ?

C R : Les Cordées de la réussite se concrétisent autour de trois axes : le tutorat et l’accompagnement, l’orientation dans le Supérieur et l’ouverture culturelle.

  • Le tutorat : des étudiants accompagnent des élèves du Secondaire qui font partie des Cordées à travers des sessions individuelles ou collectives. Cela peut prendre la forme d’aide aux devoirs, de préparation aux oraux pour entrer dans le Supérieur ou d’une aide pour intégrer un cursus. Cette notion de tutorat-mentorat fonctionne très bien car ce sont des jeunes qui parlent à des jeunes. Il y a une transmission d’expérience. Des relations durables peuvent se développer. Et les étudiants aussi bien que les élèves du secondaire peuvent en retirer de bénéfices.
  • Les actions d’orientation : les établissements supérieurs peuvent accueillir en leur sein les jeunes qui vont alors rencontrer les enseignants et des filières.
  • L’ouverture culturelle : elle peut prendre la forme de conférences organisées sur des sujets variés au sein même de l’Université. Elles sont destinées à ouvrir l’horizon des élèves.

Quelles sont les formes d’action des Cordées de la Réussite en région Auvergne-Rhône-Alpes ?

F B : En région Auvergne-Rhône-Alpes, on compte une centaine de Cordées, qui représentent environ 50 000 élèves bénéficiaires.

C R : La DREETS-AURA finance 25 Cordées de la région. Nous travaillons main dans la main avec l’Education Nationale, donc avec les trois académies régionales : Grenoble, Lyon et Clermont-Ferrand. Nous collaborons également avec les établissements d’enseignement supérieur, qui sont donc les têtes de Cordées, ainsi qu’avec des associations référentes, telles que l’AFEV, qui développe dans les campus universitaires des actions de solidarité.
A titre d’exemple, citons la Cordée de la réussite « CAP’SCIENCES » de l’INSA Lyon, qui touche environ 740 élèves, tous en QPV sur 30 établissements scolaires, pour un coût par élève raisonnable de moins de 50€. L’Université Lumière Lyon 2 met, quant à elle, en place un parcours d’orientation ; L’Université Jean Moulin Lyon 3 et l’Institut d’études Politiques de Grenoble misent sur les découvertes culturelles.
Ces quatre Cordées touchent 70% d’élèves en QPV minimum pour un coût raisonnable par élève. Elles proposent des actions diverses dans les trois axes précédemment évoqués.

F B : Dans les quatre cas, nous avons eu des retours d’expérience positifs. Les élèves ont gagné en confiance, ils s’expriment mieux face à leurs interlocuteurs.

Quelles sont, selon vous les forces et les faiblesses du dispositif ?

F B : Quand le partenariat fonctionne, c’est une véritable force pour la Cordée, qui gagne en efficacité et en fluidité. Evidemment, cette poursuite des partenariats permet de poursuivre les actions plus loin entre Têtes de Cordées et financeurs. C’est un partenariat à têtes multiples.
Certaines faiblesses sont encore présentes. Quand le partenariat fonctionne moyennement, c’est toute l’efficacité de la Cordée qui est mise à mal. Comme les rotations de personnels sont importantes, les liens sont sans cesse à reconstruire.
Lors des évaluations quantitatives des établissements d’enseignement supérieur, on s’aperçoit que le nombre d’étudiants qui ont bénéficié du dispositif des Cordées ne cesse de croître. Mais ces évaluations sont rares car les moyens sont limités pour les réaliser.
La tendance montre néanmoins que le dispositif a un impact positif en ce qui concerne l’accès aux études supérieures.

C R : Le tutorat et l’ouverture culturelle font partie des actions les plus appréciées par les jeunes !
Mais il reste encore une lourdeur administrative qui nuit au dispositif et qui impacte la qualité des dossiers. Nous cherchons donc à établir des règles claires avec les financeurs.
Nous avons récemment redéfini avec l’Education nationale nos critères d’éligibilité des jeunes en QPV au dispositif des Cordées. C’était important car nous nous retrouvions avec des dossiers avec parfois moins 40% d’élèves en QPV. Nous verrons donc si cela aura un impact positif durant les prochaines années.

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